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CATASTROPHIQUE

Les Boîtes de Pandore

 

L’œuvre est une installation composée de 6 tableaux accrochés au mur, 6 boîtes ouvertes au sol devant chaque tableau, un panneau et une signalétique qui introduit d’emblée le thème du danger radioactif, en lien direct avec la catastrophe de Fukushima. Relayé en boucle par les télévisions au temps fort de la crise, cet événement nous paraît aujourd’hui lointain malgré la menace permanente.

Loin d’être le seul plaisir du regard, ma démarche artistique est de dévisager l’horreur. Sorti de la sidération, je prends le parti de réveiller la conscience humanitaire et écologique : politiciens, scientifiques ou simples mortels, tous nous sommes concernés. Si La Vague déferlante d’Hokusaï nous retient malgré tout dans la contemplation du beau, mes installations nucléaires « radioactives » sont autant de boîtes de Pandore. Pour sauver le beau, ne nous faut-il pas protéger le vivant ? Comment le désastre peut-il concerner le beau ? Nietzsche écrit que « nous avons l’art pour ne pas sombrer (toucher le fond) par la vérité » et Maurice Blanchot de commenter que nous avons l’art afin d’extraire du domaine de la vérité ce qui nous fait toucher le fond.

 

L’installation « Les Boîtes de Pandore » présente un aspect duchampien dans la provocation et la contradiction. De petit format, des tableaux figuratifs, minutieusement détaillés, obligent le « regardeur » à s’approcher, tandis que des boîtes béantes expulsent des pictogrammes de radioactivité et que des marques au sol en interdisent l’abord. La transgression nécessaire du périmètre critique par le spectateur constitue un risque de « contamination », c’est-à-dire d’altération émotionnelle.

 

Dans la partie picturale, des zones abstraites, vermiculées libèrent une énergie reprise et contrôlée qui structure une figuration touffue, vivement colorée, « ionisée ». Usant des codes et des clichés de l’art du Japon traditionnel et contemporain, je représente Little Boy (réminiscence d’Hiroshima) et des supers héros japonais vaincus. Godzilla, Candy, les samouraïs effondrés ont perdu leurs pouvoirs magiques dans le cataclysme. Que reste-t-il de l’imaginaire après avoir touché le fond du désastre ?

 

Au sol, faisant écho à l’architecture en tôle qui recouvrait les réacteurs de Fukushima, les boîtes reliées au bas des tableaux, font le lien entre l’espace réel du lieu d’exposition et le représenté. S’en échappent des coulures magmatiques en expansion et des traces réelles de pas d’un humain irradié qui s’éloigne. La peinture réduite à l’informe et à sa matière signifierait-elle la fin du sujet ?

 

Ce n’est pas sans humour que l’installation comporte une signalétique sur le temps de séchage. Ainsi s’opère un parallèle entre la réalité angoissante du temps de désactivation des éléments « radioactifs » et la valeur intemporelle de la peinture. Celle-ci a cette fraîcheur et cette capacité à se renouveler pour nous « contaminer » d’humanité. Elle peut toucher ce qui n’est pas encore sec en nous.

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Iskias

Artiste Plasticien

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